30 novembre 2009 - Source Igaming France par Alexandra Musseau |
Eric Bouhanna, président d’Adictel, commente l’affaire qui oppose Harrah’s au joueur Terry Watanabe |
Dans l’affaire qui oppose Harrah’s à Terry Watanabe, on peut de s’interroger sur l’addiction réelle de ce joueur qui a une dette de 15 M$ ? De son côté, le groupe de casinos affiche-t-il une réelle politique de Jeu Responsable ? Enfin, est-ce le cas Watanabe ou le cas Vegas qui doit être ici analysé et remis en cause ? Eric Bouhanna, président d’Adictel, a accepté de soulever et de répondre pour iGaming France à ces questions.
C’est une grosse affaire qui secoue actuellement, aux États-Unis, le plus grand groupe de casinos mondial, Harrah’s, mis en cause par un joueur addictif milliardaire. En effet, Harrah’s Entertainement, et ses deux établissements Caesars Palace et Rio Casino, sont poursuivis par Terry Watanabe, un flambeur de 52 ans, qui aurait perdu au total 112 millions de dollars en 2006-2007 soit, selon son avocat, 20% des revenus des deux casinos, rapporte le site Pokernews. Ce bras de fer a commencé par une plainte d’Harrah’s contre son ancien client, accusé de vol suite à un chèque sans provision, afin de récupérer une dette de jeu de 15 millions de dollars, à ce jour toujours impayée. De son côté, l’héritier milliardaire a décidé de lancer une action civile dans laquelle il allègue que les employés du Caesars Palace le pressaient avec des médicaments et de l’alcool. Selon Terry Watanabe, Harrah’s est accusé d’avoir réagi non seulement en augmentant sa limite de crédit au-delà de celle accordée normalement aux autres clients, mais aussi en lui fournissant non-stop un approvisionnement en alcool et en analgésiques sur ordonnance, l’incitant en ‘secret’ à dépenser de plus en plus, précise le site PokerActu. Si les allégations du milliardaire devaient être prouvées, Harrah’s pourrait bien faire les frais d’une nouvelle jurisprudence favorable aux joueurs compulsifs. Terry Watanabe est-il bien un joueur pathologique ? Spécialiste de la prévention et de la lutte contre l’addiction, Eric Bouhanna, président d’Adictel, a accepté de commenter cette affaire. Concernant l’addiction prétendue de Terry Watanabe, Eric Bouhanna affirme que s’il en croit cet article ce joueur présente bien des symptômes d’addiction, et que ce n’est pas parce qu’il dispose de beaucoup d’argent qu’il n’est pas moins malade qu’un joueur qui jouerait 200 euros par mois au Rapido. Ainsi, il explique que les symptômes que l’on retrouve dans les cas d’addiction sont ici présents :
Eric Bouhanna insiste sur le fait que c’est l’ensemble de ces symptômes qui définit le joueur pathologique, et pas seulement le volume des sommes engagées et confirme que l’on est bien ici dans le cas d’une addiction réelle. « Malgré tout est-ce que Terry Watanabe peut poursuivre le casino ? », s’interroge le directeur d’Adictel. Harrah’s affiche-t-il une réelle politique de Jeu responsable ? Dans le journal britannique, The Telegraph, le porte-parole d’Harrah’s a déclaré : « Nos antécédents en matière d’éthique et de jeu responsable plaident en notre faveur (….) Nous possédons plus de licences de jeu que n’importe quelle autre société au monde ». Mais dans ce même article, Harrah’s rappelle que son personnel ne possède pas les qualifications requises pour détecter les problèmes d’addiction et qu’il ne peut venir en aide aux personnes qui n’en réclament aucune, rapporte Pokernews. « Le tribunal ne devrait pas passer à côté d’une telle contradiction. Par exemple si Harrah’s avait accepté de souscrire au dispositif ADICTEL, il n’aurait pas eu ce problème car le contrat est fait de telle sorte que joueurs et casinos sont responsabilisés », remarque Eric Bouhanna. Plus que le cas Watanabe, c’est le cas Vegas qui est ici remis en question Eric Bouhanna, connait bien Las Vegas, il aimerait que Harrah’s cite en détails ses antécédents en matière d’éthique et de jeu responsable. Par ailleurs, connaissant bien les pratiques des casinos de Vegas, il affirme qu’aucun affichage pour la prévention et la lutte contre l’addiction n’est mis en évidence à la portée des joueurs et qu’en terme de relation client pure, les joueurs pathologiques sont délaissés. Qu’ensuite, les employés des hôtels-casinos ne justifient d’aucune formation en matière de Jeu Responsable et qu’enfin toutes les astuces qui incitent à moins dormir, plus la mise à disposition d’alcool, d’analgésiques pour rester plus longtemps à la table de jeu, participent fortement du risque d’addiction. « Aussi le personnel d’Harrah’s quand il a vu Terry Watanabe qui n’était plus dans son état normal, jouant trop longtemps et n’allant plus se coucher, aurait du l’inciter à rejoindre sa chambre. Mais plus que le cas Watanabe, c’est le cas Vegas qui est intéressant », déclare Eric Bouhanna, président d’Adictel. « Mais quand un joueur est à Vegas il sait à quoi s’attendre, le terme jeu responsable signifie que le joueur ne peut pas ignorer que l’eau ça mouille, que le feu ça brule, et que l’excès de jeu nuit à la santé. La Cours devra plus statuer sur l’incitation au jeu lorsqu’un joueur présente les symptômes de dépendance », analyse Eric Bouhanna. Le fondateur d’Adictel rappelle que Vegas compte énormément de SDF, anciens joueurs qui ont été ruinés et dont ni la ville ni les casinos ne s’occupent. « Aussi, dans le cas Watanabe, ce qui s’est passé dans les casinos d’Harrah’s se passe dans la majeure partie des casinos de Vegas. Cette affaire pourrait conduire à une jurisprudence pénalisant un modèle qui a beaucoup à faire en matière de Jeu Responsable et de protection des joueurs », conclut-il.
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