14 octobre 2010 Par Jake Pollard - pour Igaming France |
« Les dispositifs de modération des joueurs à risques sont-ils équitables vis-á-vis des opérateurs de jeux ? » |
Eric Bouhanna, fondateur d’Adictel, explique pourquoi il est de l’intérêt des opérateurs de jeux de regarder de plus près certains aspects concurrentiels et de confier les tâches de prévention contre l’addiction et la dépendance aux professionnels du métier. Les opérateurs de jeux en ligne sont-ils à égalité face aux mesures de prévention et de lutte contre l’addiction aux jeux d’argent ? La thérapie fut pendant des années et jusqu’à une période très récente l’axe principal vers lequel s’orientaient autorités et experts. Cette orientation était complétée par la liste des interdits de jeux sous la responsabilité de la police des jeux. Pourtant, les joueurs dépendants présentent pour beaucoup des problèmes ou des pathologies qui trouvent leur origine antérieurement, dans le vécu des sujets. Or, en quelques semaines, le joueur dépendant peut se ruiner et se retrouver dans une situation financière familiale et professionnelle dramatique. C’est un peu comme si une personne qui se coupait les veines se retrouvait devant un psychologue en premier secours pour trouver la cause originelle de son malaise, au lieu de stopper son hémorragie en urgence. Comment stopper cette hémorragie d’argent ? La clé se trouve effectivement entre les mains des opérateurs de jeux, car l’action de stopper un joueur dépendant ne peut se dérouler que dans le lieu même où il joue et où il est connu ; c’est-à-dire le casino, le vendeur de tickets de loterie ou paris hippiques, le site de jeu en ligne, le cercle, l’hippodrome… Seuls les casinos et les sites de jeux en ligne sont soumis à des obligations Dans la pratique, un opérateur qui internaliserait son système de lutte contre l’addiction devrait, pour le faire sérieusement, recruter et payer des psychologues de nationalités différentes, être capable d’intervenir rapidement n’importe où sur un territoire géographique et justifier d‘ une gestion et d’une traçabilité exigible pour ce type d’activité ultra-sensible. Un dispositif digne de ce nom a un coût extrêmement élevé pour chaque opérateur. En revanche, lorsque le dispositif est mutualisé, son coût devient minime puisque partagé par l’ensemble du métier. De plus, la crédibilité de l’opérateur de jeux devient renforcée car il peut se justifier de non-complaisance et du sérieux de son engagement. Inéquité et « balle dans le pied » Pour M. Kechichian, « il est préférable pour les opérateurs de jeux d’utiliser un système capable de limiter le joueur de manière équitable pour tous, comme une plateforme de limitation généraliste et globale, ( afin de limiter un joueur volontaire partout où il joue de manière effective)». L’équité du dispositif mutualisé a une vertu double, puisqu’il permet aux joueurs dépendants d’être rassurés sur la bonne prise en compte de leur situation et aux opérateurs de jeux de prendre une décision de limitation en toute tranquillité, sans crainte que la bonne action profite à un concurrent direct. Je vous donne rendez-vous mi-novembre pour un autre article traitant des impacts de la politique de prévention et de lutte contre l’addiction sur le quotidien des opérateurs de jeux. Eric Bouhanna, fondateur d’Adictel, propose régulièrement de réfléchir sur l’impact des mesures liées au jeu responsable dans le quotidien d’un opérateur de jeux d’argent. Pour professionnaliser cette activité, il a travaillé pendant 10 ans en immersion dans le quotidien des casinos terrestres et des sites de jeux en ligne.
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